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(OTTO)KARL

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2009-06-14

l'éthique hacker

Un rapport alternatif au travail, à l’argent, au temps... qui caractérise une éthique que Pekka Himanen, jeune philosophe finlandais, oppose à l’éthique protestante analysée par Max Weber, en la nommant l'éthique hacker. Celle-ci recouvre une relation passionnée au travail dont les motivations principales sont le plaisir, le jeu et la passion. À cela s’ajoutent un statut de non-dépendance salariale et l’adhésion à des comportements de coopération.

Pekka Himanen (...) estime que les hackers sont les prototypes parfaits des citoyens de l’ère de l’information, censée succéder à l’âge industriel. Entretien avec un « philosophe-hacker ».
J’ai étudié les discours [hackers], (...) les mêmes mots reviennent toujours : la passion, le jeu, le plaisir, l’échange et le partage. Cette attitude des hackers s’oppose (...) à l’éthique protestante, telle qu’elle est définie par Max Weber, et qui domine le monde d’aujourd’hui : celle du travail comme devoir, comme valeur en soi. Où vous devez juste effectuer votre travail, peu importe en quoi il consiste. Où la souffrance est même assez noble. Cette attitude caractérise l’ère industrielle. Dans l’éthique hacker, vous faites quelque chose que vous trouvez intéressant et gratifiant en soi, grâce auquel vous pouvez vous réaliser et créer quelque chose qui a une valeur sociale.
(...) On peut avoir la même attitude dans d’autres domaines que l’informatique. Vous pouvez être un [philosophe]-hacker, un [cinéaste]-hacker... Il suffit de ne pas faire quelque chose seulement de façon routinière, mais d’y ajouter quelque chose de personnel. Pour de l’argent ou pas. C’est intimement lié à la création d’information et de connaissance, mais vous pouvez aussi être un artisan-hacker, avoir une relation passionnée et personnelle au travail du bois. Cela concerne toute personne qui crée du sens, des symboles ou de l’identité.
(...) L’éthique hacker n’est pas nouvelle. On la retrouve dans la communauté scientifique ou chez les artistes. Mais ce qui rend l’attitude des hackers significative, c’est que les créateurs d’information sont aujourd’hui au cœur du développement de nos sociétés, et non plus aux marges, comme l’étaient les artistes.
[Ces personnes travaillent alors même qu’elles n’y sont pas obligées pour subsister, et leur travail est d’une nature différente de celui hérité de l’éthique protestante. Pour le hacker, la distinction pertinente n’est pas tant le travail ou le loisir, mais plutôt l’intérêt que l’on porte ou pas à l’une ou l’autre de ces activités, ainsi que la créativité que l’on met ou pas en œuvre, la passion qui le porte. Cette éthique du travail contient également un rapport différent au temps, à son découpage et à son optimisation.]
(...) Max Weber incluait dans l’éthique protestante l’idée d’une vie structurée par la régularité. L’ère industrielle a généré l’idée d’un temps de travail régulier. Les gens ont perdu le contrôle de leur temps. Au contraire, les hackers suivent le rythme de leur créativité : parfois, ils travaillent très tard dans la nuit, puis ils prennent une journée, ou s’arrêtent et vont boire une bière. On pourrait les croire feignants ou pas sérieux. Il n’en est rien : la relation au temps est plus flexible dans l’éthique hacker que dans l’éthique protestante : différentes séquences de vie comme le travail, la famille, les amis, les hobbies, etc. sont mélangées avec une certaine souplesse de telle sorte que le travail n’occupe jamais le centre. Et cette relation flexible au temps est couplée à un usage intensif des technologies de l’information (mail, web, téléphones portables...), car en principe celles-ci peuvent vous affranchir d’un temps trop contraint.
[Néanmoins, ces technologies ne permettent pas en soi de reprendre le contrôle de son temps], les technologies ne produisent rien en tant que telles, [et] si l’éthique protestante continue à nous animer, les technologies de l’information serviront encore plus à optimiser le temps. (...) [De nos jours] les outils de communication accompagnent [notre] culture de l’urgence. (...) les premiers utilisateurs de mobiles ont été les pompiers, les policiers, les médecins. Cette culture de l’urgence nous a tous contaminés. Jusqu’à la sphère des loisirs, qui adopte de plus en plus une structure d’organisation similaire à celle du travail : agenda en main, cela consiste à tenter de traiter toutes les tâches et les rendez-vous de la soirée. Mais les hackers sont un exemple montrant que ces technologies peuvent vraiment tenir leurs promesses.
[La culture des hackers est aussi celle de l’ouverture, du partage...] Parce qu’ils ont une activité qui produit du sens, ils recherchent une reconnaissance de leurs pairs, qui passe par le partage du savoir. Il y a aussi des raisons plus pragmatiques : si vous cachez toutes vos idées, personne ne peut rien y ajouter. Si vous les ouvrez à une communauté de gens créatifs, vous obtenez des critiques, et de nouvelles idées pour améliorer l’ensemble.
(...) L’éthique hacker est clairement un moyen très efficace de créer. Elle a aussi généré [de tout temps] la plupart des découvertes scientifiques, et des œuvres d’art. C’est lié à la psychologie de la créativité. Si vous travaillez sur quelque chose de créatif, vous devez suivre le rythme de votre créativité et ouvrir vos idées à une communauté critique. La science médiévale, très autoritaire et fermée, n’a connu que de très rares avancées.
[Le mobile de l’activité du hacker n’est pas l’argent. Un des fondements même du mouvement du logiciel libre, initié par les hackers, consiste précisément à rendre impossible l’appropriabilité privée de la production logicielle et donc la perspective d’en tirer profit. Là encore, on trouve comme mobiles qui président à l’engagement dans le travail coopératif volontaire la passion, la créativité, et la socialisation.]

cf. l'amatueur, ou l'artiste contre-bourgeois
cf. dés'organiser
cf. j'marcuse
cf. le manifeste des chômeurs heureux (nouveau lien : ICI)
cf. pour une révolution amateuriste

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