N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2009-05-20

passager

On ne fait tous que passer.
De là deux options, deux profils : passant ou passeur.
(O.K.)

cf. philosofi!
cf. demeurer cochon ?

en attendant, que n'ai-je...

C'est un problème très concret, ça, la question des attentes. Arriver à attendre, et d'une certaine manière le monde a changé. Le problème ne se pose plus de la même façon. Il y a des cas où on peut pas attendre, il y a des cas où il faut pas attendre. Il y a des cas où attendre change tout.
(G.D.)
S'allonger dans la neige, maintenant. Là. Au lieu de ne plus faire que agir sans cesse — sans trêve. S'allonger dans la neige... comme un soldat russe... Et sentir comme la terre tourne. L'expérimenter.
(Sans parler des chances qu'un moment... une pomme! sur la tête.)
(O.K.)
S'il est vraiment un argument valable contre la faiblesse et la maladie c'est qu'elles rongent le véritable instinct de la guérison, l'instinct de la défense armée. On ne sait plus se dépêtrer de rien, on ne sait venir à bout de rien, on n'arrive plus à rien rejeter. Tout blesse. Hommes et choses vous talonnent de trop près, les événements frappent trop profond, le souvenir est une plaie purulente. La maladie est une sorte de ressentiment. Le malade n'a contre elle qu'un seul grand moyen de salut, ce que j'appelle le fatalisme russe, ce fatalisme sans révolte avec lequel le soldat russe pour qui la campagne devient trop dure finit par se coucher dans la neige. Ne plus rien accepter du tout, ne plus rien prendre, ne plus rien absorber, - n'avoir plus aucune réaction... La grande sagesse de ce fatalisme, qui n'est pas toujours simplement le courage de mourir, mais aussi l'art de sauver la vie dans les circonstances les plus périlleuses, consiste à réduire les échanges du corps, à les ralentir et à lui faire vouloir l'engourdissement hivernal. Quelques pas de plus dans cette voie et on obtient logiquement le fakir qui dort des semaines dans un tombeau... Pour éviter de se gaspiller trop vite en réactions il faut cesser complètement de réagir ; c'est la logique même. Or rien ne vous consume plus vite que le ressentiment. Le dépit, la susceptibilité maladive, l'impuissance à se venger, l'envie, la soif de vengeance, autant de toxines, autant de réactions qui sont les pires pour un épuisé ; elles entraînent une usure rapide de la résistance nerveuse et une recrudescence morbide des évacuations nuisibles comme l'épanchement de la bile dans l'estomac. Le ressentiment doit pour le malade être essentiellement tabou, c'est sa maladie elle-même : c'est aussi malheureusement son penchant le plus naturel. Bouddha l'avait compris, le grand physiologiste. Sa « religion » - qu'on ferait mieux d'appeler hygiène pour ne pas la commettre avec d'aussi pitoyables choses que le christianisme faisait dépendre son efficacité de la défaite du ressentiment : libérer l'âme du ressentiment, c'est le premier pas vers la guérison. « Ce n'est pas l'inimitié, mais l'amitié qui met un terme à l'inimitié » : voilà la première leçon du Bouddha ; ce n'est pas le langage de la morale, c'est celui de la physiologie. Le ressentiment né de la faiblesse n'est nuisible à nul plus qu'au faible ; dans les autres cas, chez les natures riches, c'est un sentiment superflu : on prouve presque sa richesse en le matant. (...) Dans mes périodes de décadence je me suis défendu ces sentiments comme nuisibles ; dès que la vie me revenait avec assez d'abondance et de fierté je me les interdisais comme inférieurs à moi. Le « fatalisme russe » dont je parlais intervenait chez moi pour m'obliger à me cramponner opiniâtrement à des situations, des endroits, des demeures, des compagnies presque insupportables, une fois qu'elles m'avaient été données par le hasard : c'était mieux que de les changer, que de les sentir modifiables, que de se révolter contre elles... J'en voulais à mort à cette époque à qui me dérangeait dans ce fatalisme, à qui m'arrachait de force à ce sommeil ; c'est qu'en effet il y avait toujours danger de mort. S'accepter soi-même comme un fatum, ne pas se vouloir « autrement », en pareil cas c'est la raison même.
(F.N. — EH 1§6)

Be water...
(B.L.)

continuiter, par goût

Court-circuiter le discontinu, le continuiter. (O.K.)

(J.-P.G.)(O.K.)
Le roman est un art du temps, (...) il peut opposer à la dispersion et à la fragmentation des expériences existentielles une expérience temporelle de recomposition et de liaison (...). Le roman qui m’intéresse comme lecteur et celui que je cherche à écrire (...) est une oeuvre contre le temps, il fabrique du continu contre le morcellement et la désintégration...
Ce roman est aussi une oeuvre avec le temps, il fait fond sur le dynamisme, l’énergie du mouvement temporel, il fabrique de l’allant, (...) [avec] une écriture commandée par le rythme, l’allant, un développement par reprises et symétries, une composition par échos et correspondances. J['aime] parler d’énergie, d’écriture du mouvement, de (...) la voix de la prose, qui est une énergie, impulsée par la syntaxe. (...)

Dans cette tension (...) entre le travail du discontinu qui désagrège et décompose et le travail du continu où s’exerce le désir d’une forme qui rassemble et qui tienne (...) il s’agit de faire affleurer (par l’écriture) les forces qui rendent la vie possible, ces forces de vie qui s’opposent en nous aux forces de mort (...)
[C'est] ce qui est en jeu, avec cette idée d’énergie[.](...) Je sens qu’il est (...) nécessaire de rechercher les liens qui nous unissent au monde, nous le rendent malgré tout accueillant, désirable ou admirable, plutôt que de cultiver exclusivement les motifs de litige avec lui, dans l’état d’esprit de « celui qui toujours nie »... Rechercher ces liens qui nous unissent au monde où nous sommes, ce n’est pas consentir béatement à l’état du monde tel qu’il est, (...) il s’agit (...) de transmettre de l’énergie dans le moment même où le monde représenté est représenté tel qu’il est, c’est-à-dire fort mal habitable (...). Le monde que représente Le Voyage au bout de la nuit ou [Remué] n’est pas un monde habitable, mais l’écriture de Céline ou de [Dominique A] dégage et transmet une énergie qui anime en nous le désir d’un monde plus habitable, où par là même les liens que nous pouvons tisser avec lui soient plus riches...

Une telle transmutation (...) c’est dans la langue qu’elle s’accomplit, (...) par ces liens vivants qui définissent une forme et qui peuvent seuls générer de l’énergie. (...) Le continu, dans la prose romanesque, c’est la liaison, le tressage, plus le mouvement, l’énergie, tout cet ensemble de choses qui travaille à fabriquer des liens, des liens vivants, et qui va de la syntaxe à la composition, de la transition et de l’enchaînement au réseau et à l’épaisseur, de l’allant du rythme au mouvement dynamique, de la coulée sonore à la voix.

Cette esthétique du continu dans le roman permettrait de ne pas confondre le roman avec le récit et ses mille avatars, elle permettrait aussi de penser que les exigences du romancier n’ont depuis longtemps plus rien à envier à celles du poète, qu’il serait heureux que les poètes en finissent avec leur implicite et archaïque conception hiérarchique des « genres » et cessent de s’imaginer que c’est à eux qu’est dévolue la charge de « l’essentiel »...

[D'autre part,] l’idée de « monologue » est à l’opposé de ce qui m’intéresse puisque justement je cherche à rendre sensible le fait que la parole intérieure est rarement tout à fait solitaire : elle est le plus souvent tissée de la parole d’autrui, elle se développe dans la reprise et l’assimilation constantes de la parole d’autrui, et de la parole qu’on a ou qu’on aurait pu, qu’on va ou qu’on pourrait adresser à autrui, si bien qu’elle est plutôt une polyphonie. Ce qui m’intéresse, c’est de représenter l’activité intérieure qui s’accomplit dans ce mélange complexe et hétérogène où se retrouvent des éléments verbalisés ou non : sensations évoquées, images mentales, souvenirs et anticipations, scénarios, bribes de paroles prononcées ou entendues, et bribes de paroles jamais prononcées mais que nous prononcerions si nous avions à parler - tout ce qui fait la « vie intérieure », tout ce qui nous relie à la trame du monde et nous y insère, et qui n’est en réalité qu’un magma incohérent. Une forme littéraire peut tenter non pas de mimer ce magma de l’activité intérieure, non pas de le montrer mais de le représenter, d’en donner un équivalent qui ne soit ni un décalque ni une reproduction : la parole silencieuse n’est pas l’activité mentale réelle que je viens d’évoquer, c’est la forme littéraire que peut prendre sa représentation. (...) Elle a beaucoup à voir avec le mouvement de la rêverie, sa souplesse, son allant, cette énergie qui la porte en avant, et sans qu’elle ait besoin d’être conclue par une solution, en quoi elle est aussi une quête. Elle tient enfin de la voix, de la sensation de présence de celui qui parle, de cette tension qui porte la voix.
(J.-P.G.)
cf. que ça continue
cf. (incon...) nu
cf. au fond, sollers, c'est moi