N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2013-07-20

contre l'amorosité passive

 Nous sommes [en général] amoureux sans savoir pourquoi. C'est un état joyeux qui nous paraît miraculeux, et d'autant plus envoûtant que nous ne le comprenons pas. Mais nous sommes ainsi en proie au doute et à l'insécurité affective. Ne comprenant pas notre amour, nous devenons suspicieux, jaloux et possessifs. Notre amour pour un rien pourra se transformer en son contraire, notre joie risque de se renverser subitement en tristesse. En comprendre les causes transforme la passion amoureuse en amour actif. En sachant pourquoi on aime quelqu'un, nous serons plus sûr de notre amour, moins en proie aux montagnes russes passionnelles que sont le doute, la jalousie, (...) la frustration... (B.T.)

... comment le dire en deux mots ?... en « amour » le désir est premier, l'objet est second. On a d'abord le désir, en l'occurrence de tomber amoureux – c'est-à-dire au fond de renaître à soi-même par une cause extérieure, se payer une décharge immédiate de vie nouvelle, une relance du sens de sa vie, une intensification facile de son existence – et l'objet quant à lui est plus hasardeux, contingent, illusoire, on prend un peu ce (fla-) qu'on trouve, du moment qu'on ait l'ivresse, ça fera l'affaire, d'y croire assez, de trouver à s'épanouir au moins quelque peu, au moins quelque temps. Il y a une formule qui dit « faute de trouver ce qu'on désire, on désire ce qu'on trouve » ; alors je la conteste dans la mesure de son idéalisme – impliquant qu'un objet de désir précède le désir, alors que je prétends le contraire –, mais ça pourrait résumer grossièrement. (...)
(...) ce que je pointe aussi dans cette méca nique de l'amour, c'est ce jeu de rôles: bon, c'est pas de toi que je rêvais au fond, mais comme tu es là, « parce que tu étais là » (comme dit la chanson de dominique a) et que c'est un peu le désert autour et que fondamentalement je désire, sans pouvoir m'en empêcher, je désire par essence, alors on va faire avec,
avec toi, comme ça, comme si.
Et c'est presque toujours comme ça. Ha. Même quand on y croit à fond, naïvement. L'objet est moins fondamental que le désir. Le désir ne fait que se chercher des objets, des prétextes... des canaux, comme de l'eau (de rose ;) engagée sur un pente, car on est engagé dans le désir, vitalement. (O.K.)


Que répondre à tout ça [cette passion manifeste] ? Laisser décanter, je crois. Voilà ce que je choisis. Meilleur moyen que tu retrouves véritablement tes « esprits », et non pas seulement en intention et déclarations. Et que tu accèdes désormais par toi-même, et ce travail philosophique hélas après-coup, via la rumination de mes chapitres et de spinoza, à la com-préhension de ce que je t'explique et te répète depuis le début sur tout ça, la passion hallucinée qui au fond dépasse largement son objet illusoire, et qui par cette méconnaissance (passive) des causes, de ses motivations égoïstes réelles ne peut rendre que triste, malheureux, car balloté, etc. Voilà la première réponse que je ferais (...). Et si déjà ça peut t'aider... t'encourager à continuer le travail dans ce sens... d'assagissement... de clairvoyance... d'intelligence... (O.K.)

« Aimer », c'est ressentir une joie qu'on croit ne pas venir de l'intérieur, qu'on croit ne pas savoir produire soi-même, mais qui serait provoquée par un être extérieur, une personne, une chose ou une idée. De cette manière, les joies ressenties ne nous apparaissent plus aléatoires et fluctuantes, mais comme des états que nous pouvons, grâce à l'existence de cette cause repérable et identifiable, revivre de manière régulière et prévisible. Encore faut-il parvenir à se l'attacher et à s'y unir solidement. Cependant, aimer, (...) c'est aussi – et, malheureusement, presque toujours – se tromper sur les causes de l'amour, se tromper sur l'origine de sa joie, et s'attacher à ce qui nous attriste bien plus qu'il ne nous réjouit. Aimer, c'est croire que quelque chose nous réjouit, même si l'effet réel est contraire. (B.T.)
(...)
    Reprenons la définition de l'amour [selon spinoza] :
    « L'amour est une joie accompagnée de l'idée d'une cause extérieure. »
    Cette définition nous dit bien que la seule chose qui est réelle dans l'amour, c'est notre sentiment ; c'est-à-dire la joie éprouvée. L'objet sur lequel porte ce sentiment, en revanche, n'est qu'une idée que nous attachons, avec plus ou moins de circonspection, à cette joie. Dans beaucoup de cas, c'est seulement dans notre imaginaire que cet objet est une cause de joie. Il nous incombe aussi de renverser notre conception et notre appréhension de l'amour. (B.T.)

    Nous ne sommes pas davantage lucides sur le monde extérieur que sur nous-mêmes. Car nous nous confrontons encore au même problème : ce ne sont toujours pas les choses extérieures que nous percevons, mais l'effet qu'elles nous font, la réaction qu'elles provoquent et leur empreinte en nous. En goûtant un aliment, ce n'est pas la composition de l'aliment lui-même que nous percevons, mais la réaction de nos papilles (...). En tombant amoureux d'une personne, ce n'est pas la personne elle-même que nous percevons, mais les désirs et les craintes qu'elles suscitent, les souvenirs qu'elle évoque, la sensibilité qu'elle stimule.
(...) En réalité, nous ne connaissons que nos réactions, nos sensations, notre épiderme existentiel et affectif. Nous ignorons complètement les causes de ces réactions, qu'elles soient internes (...) ou externes (...). (B.T.)
    
    Pour commencer, ce qui  détermine notre amour, ce qui guide notre choix, c'est uniquement notre sentiment, et en aucune façon la qualité réelle de l'objet de notre affection, ou pire, des « valeurs » transcendantes auxquelles il est censé correspondre. Ce n'est pas l'excellence ou la bonté ou la beauté d'une chose, d'une idée ou d'une personne qui nous le rend aimable, mais uniquement le fait que nous associons une augmentation de notre énergie vitale [notre puissance], c'est-à-dire une joie, à sa présence. (...) Ce n'est donc pas l'autre la véritable raison de notre amour, mais simplement le sentiment qui accompagne sa présence.

... la source de l'amour ne se situe pas dans les qualités réelles de l'objet aimé, son excellence ou sa bonté, mais simplement dans les variations d'humeur ou d'énergie vitale que nous ressentons en sa présence. (B.T.)

... nos relations sont la plupart du temps aliénées, c'est-à-dire attachées à des objets imaginaires. Pour sortir de cette aliénation affective, nous devons comprendre les mécanismes à l'oeuvre dans nos choix affectifs. (B.T.)

Nos errances passionnelles sont ainsi non pas des fautes, au sens moralisateur du terme, mais des erreurs, des défauts de notre connaissance et de notre jugement – et non pas de notre moralité. (B.T.)

... il nous manque la connaissance adéquate de ce que nous sommes et de ce qui nous entoure. Bien que nous soyons conscients de nous-mêmes et de ce qui nous arrive, cette conscience n'est qu'une connaissance mutilée, tronquée, partielle et souvent imaginaire. Notre vie affective devient violente et passionnelle essentiellement parce que nous nous trompons sur nous-mêmes et sur les événements qui nous arrivent. (B.T.)

Il y a un fil rouge qui traverse toutes nos errances affectives : l'homme a besoin de croire en quelque chose, même s'il s'agit d'une erreur. L'homme a aussi besoin de désirer quelque chose, quoi que ce soit, même si ce désir est une illusion. Il s'ensuit que l'homme a besoin d'aimer quelque chose, de s'attacher à quelque chose, même si, en réalité, cette chose le détruit plus qu'elle ne le construit, l'attriste plus qu'elle ne le réjouit. (B.T.)

Que l'objet soit erroné ou imaginaire, nous avons toujours besoin de projeter nos sentiments sur quelque chose.
    Nous ne pouvons faire autrement, car il y va de notre énergie vitale, de l'équilibre de nos forces intérieures. Pour nous maintenir face aux obstacles et aux dangers de la vie, pour nous donner la force de les dépasser, nous imaginons ce que nous croyons capables de nous renforcer. Et, à l'inverse, nous nous efforçons de nier l'existence de ce que nous croyons nous menacer, voilà pourquoi certains ont besoin de haïr à tout prix, de s'opposer à des dangers pourtant inexistants, de militer pour des causes imaginaires...
    Si nous ne pouvons faire autrement que de nous attacher à des objets d'amour ou de haine artificiels, nous pouvons néanmoins tenter de comprendre par quels mécanismes s'enchaînent ces attachements. Quels sont les trompe-l'oeil qui aliènent notre désir (...) (B.T.)

« Le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'on la conçoit comme déterminée, par la suite d'une quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose. » [spinoza]

    Parce que fondamentalement nous sommes des êtres de désir. (...) Cela signifie que nous sommes désir, rien que désir. (B.T.)

    Si être, c'est désirer, désirer, pareillement, c'est pas autre chose qu'être. (B.T.)

    Ce que nous désirons, c'est être nous-mêmes, pleinement, et sans concession. (B.T.)

    (...) ce n'est pas l'objet du désir qui provoque notre désir. Nous ne désirons pas une chose ou quelqu'un parce qu'ils nous paraissent merveilleux, hors du commun, indispensables : nous ne les désirons que parce qu'ils nous permettent d'être ce que nous sommes. (...)
    Nous désirons parce que certaines choses nous apportent de la joie et ainsi augmentent notre puissance et notre capacité à nous réaliser nous-mêmes. En nous interrogeant sur notre désir, ne nous demandons pas ce que nous voulons avoir, mais plutôt ce que nous voulons être à travers ce que nous désirons. (B.T.)

    Si vous êtes victime d'une avalanche (...), vous ne penserez certainement pas que la montagne vous [a] visé spécifiquement. Vous êtes juste passé au mauvais endroit au mauvais moment. (...)

    Il semble difficile d'accepter que le même mécanisme conditionne l'amour des autres. En effet, si les autres nous aiment, ce n'est pas non plus parce qu'il ont délibérément choisi de le faire, et ce n'est pas non plus parce qu'ils nous ont choisis en particulier, mais parce qu'à un moment donné nous nous sommes trouvés disponibles pour jouer le rôle prévu par leur scénario affectif. (B.T.)

(H.M.)

> cet secondaire objet du désirt
> l'amour inventé, à réinventer... : réinventé 
> la roue méca nique de l'amour
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> CHAPITRE : antiromantisme